
J’aime les histoires.
Pour moi, elles sont comme des caresses intérieures. Elles viennent me toucher dans ma profondeur. Mon être reçoit ses mots qui s’enchaînent les uns après les autres comme des bouchées d’amour. Les récits avec leurs vibrations entraînantes. Leurs claquements de langue, leurs soupirs, leurs cris et puis au bout, dans le désespoir d’arriver à la fin, le silence. Un moment suspendu dans lequel tout est possible. Une seconde où crépite l’espoir que l’histoire continue à nous prendre le cœur est les tripes. Pour nous donner une seconde naissance à chaque nouveau récit commencé. Les histoires, elles me consolent. Elles m’aident à affronter mes doutes et à découvrir l’expérience de l’autre dans toutes ses dimensions. Mon expérience et celle du protagoniste se mélangent pour ne faire plus qu’une seule et même vie. Une vie que je ne connais pas, loin de mes habitudes et de mes propres peurs. Une aventure qui parfois est horrible. Pourtant, je me laisse porter au gré des lettres. Mon âme est aux anges quand je plonge dans ces aventures, elles n’ont pas besoin d’être rocambolesques. Elles peuvent être simplement belles. Il suffit du bruit cliquetant de l’eau ou le chuchotement duveteux d’une caresse. Elles n’ont pas besoin d’avoir de happy end. Elles n’en sont que plus touchantes. Dans ces moments-là, mon cœur se déverse d’émotions parce que les lettres viennent faire transpirer ma propre tristesse. Mes propres blessures font des ricochets sur les personnages nés de consonnes et voyelles. Elles se retrouvent dans leurs brèches et se soignent ensemble. C’est pour cela que j’aime les histoires, leurs personnages m’apportent tellement. Peut-être tout ce qui manque à ma propre vie. Tout ce que je suis incapable de voir ou que je ne peux pas imaginer. La promesse dans l’histoire réside dans le fait que pendant un moment je peux croire à tout ce qui se passe, que rien n’est impossible. J’y découvre aussi les secrets les plus enfouis, ceux qu’on n’ose avouer. Souvent, mes propres secrets y sont exposés. Là, noir sur blanc, tout me revient dans la figure. Parfois, je me rappelle des histoires que j’écoutais à l’école. Alors, je croisais mes bras sur le banc et je me laissais glisser dans les mots accouchés par la voix de mon instituteur et ça me réconfortait. Je me rappelle aller à la messe tous les matins, juste pour écouter les paroles des évangiles parce que ces histoires-là aussi venaient toucher mon cœur d’enfant. Dans ces endroits, je me sentais en sécurité. Dans les histoires, je pouvais me protéger de mon propre monde où je n’avais pas le droit d’exister. D’ailleurs, est-ce qu’aujourd’hui, nous avons le droit d’exister? De vivre pleinement et de ressentir? Dans le monde réel, chacun censure son émotion pour être politiquement correct mais tellement loin d’être profondément humain. De tristesse en frustration, l’énergie de l’émotion s’accumule pour finir par saturer nos corps jusqu’au plus profond de nos cellules. Mon être n’aime pas cela. Quand je l’oblige à garder tout à l’intérieur, ça l’oppresse, il ne peut plus respirer et moi non plus. Alors, les histoires, elles viennent libérer de l’oppression de la réalité où l’humain ne veut ressentir.
Photo de Suzy Hazelwood provenant de Pexels

